Avec les attentats du 11 septembre, le terrorisme a atteint un niveau spectaculaire jusqu’alors inégalé. Pour autant, au sens large du terme, selon la définition qu’en donne Jorge Angel Livraga, à savoir « l’entretien de la peur, de la terreur ou de la panique parmi les hommes », le terrorisme n’a pas d’âge et ne saurait être réduit qu’à la seule pratique de l’attentat aveugle. Dans l’article rédigé en 1985, dont sont extraites les lignes qui suivent, et qui conserve toute son actualité, l’auteur explique que rien, jamais, ne peut le justifier.
[…] Le terrorisme s’exprime à travers des visages trop divers pour épuiser le cadre de cet article, mais nous en aborderons ici quelques-uns.
Le terrorisme spirituel
C’est celui qu’ont exercé et exercent encore ces credos qui menacent leurs fidèles des pires tortures dans l’Au-delà ou de malheurs imminents dans ce monde-ci.
Par des jeux conjugués d’images et de sons, des litanies et des répétitions mécaniques, il s’immisce dans l’inconscient collectif et le subconscient individuel, amoindrit la volonté et les désirs, incite à accomplir certaines actions tenues pour bonnes et à se détourner de celles considérées comme répréhensibles.
Jouant avec la peur du châtiment, de la colère de Dieu ou de la maladie, la terreur s’impose à toute tentative de rationalisation.
Au nom du Bien et de Dieu, l’homme commet d’horribles atrocités, comme celles qui furent perpétrées par l’Inquisition chrétienne, par les Brahmanes contre les bouddhistes ou encore comme les mutilations imposées par la Loi coranique aux musulmans (1), etc.
Le terrorisme racial
C’est celui qu’ont employé et emploient encore tous les groupes humains ou ethnies qui, pour des raisons religieuses, scientifiques ou politiques, s’estiment supérieurs aux autres ; peuples «élus de Dieu» ou groupes humains de «race pure» implantent la terreur par des actes de violence qui peuvent conduire à de véritables aberrations, comme celles qui furent commises par les juifs contre les philistins dans le passé et contre les Palestiniens à l’heure actuelle, celles qui furent commises par les nazis contre les juifs, par les Anglo-Saxons contre les Peaux-Rouges, ou encore par les Noirs contre les Blancs ou les Blancs contre les Noirs.
Le terrorisme économique
C’est celui que pratiquent de mystérieux groupes de pression, en général plus puissants que les États eux-mêmes, au sein desquels ils créent des besoins artificiels en détruisant ou en accaparant certains produits revendus ensuite à des prix exorbitants. Ils instaurent la terreur de la pénurie de certains emplois et de certains aliments qu’ils ont contaminés (2) pour les sortir du marché au profit de succédanés beaucoup plus rentables. Ils spéculent sur la faim des hommes, provoquent des guerres pour, ainsi, vendre leurs armes et, ensuite, leurs munitions et les pièces de rechange à des prix toujours plus élevés. Les pays tenus par les nécessités de l’état de guerre n’ont aucune possibilité de s’y opposer.
Ils financent des campagnes électorales et, grâce au contrôle des médias, font naître aversion et terreur envers leurs ennemis ou tout simplement envers celui qui n’a pas eu suffisamment d’argent pour se payer leurs services.
Ayant donné ces quelques exemples, nous allons parler maintenant du terrorisme armé qui dévaste le monde entier. […] Cette forme de violence est l’une des plus cruelles car, pour atteindre des objectifs militaires, les terroristes n’hésitent pas à massacrer et à mutiler de nombreux civils, à contaminer les mers et à détruire les forêts.
Il était inévitable que le partage irrationnel du monde, instauré au lendemain de la seconde Guerre Mondiale, générât la violence, puisque les vainqueurs cédèrent un même territoire à deux peuples différents ou se retirèrent de très vastes parties du monde, en laissant leurs habitants à la merci des calamités naturelles et des violences humaines. Et tout s’est fait démocratiquement, par la libre volonté des peuples à disposer d’eux-mêmes…
À partir de ce biais initial, la dynamique interne des affrontements engendra les actes terroristes dont le coût modique et la grande efficacité rendent l’accès possible à presque tous les pays et groupes politiques.
Cette barbarie est le prologue de ce que Nouvelle Acropole entend par « nouveau Moyen Âg e», et qui désigne l’effondrement progressif de la culture et la désintégration de la civilisation… ou du moins de ce qu’il en reste.
[…] Nous savons parfaitement que les causes du terrorisme furent multiples et le sont encore, qu’il y eut et qu’il y a encore des injustices, des outrages, des erreurs énormes à des niveaux de responsabilité élevés ; cependant, rien de tout cela ne justifie une seule action terroriste.
L’auteur de ces lignes comprend l’affrontement entre hommes à visage découvert, ce qui permet parfois d’expurger et d’assainir une situation, mais pas le coup porté dans le dos, protégé par l’inattention de la victime, dans l’anonymat le plus total, sans souci des femmes et des enfants innocents qui tombent, ni des simples citoyens qui ne savent pas pourquoi on les tue ni pourquoi on les mutile.
[…] Il faut apprendre du corps. Lorsque le corps est agressé par des bactéries, il se défend, non à coup de pactes ou de « cohabitations » contre nature, mais avec la seule et ferme volonté de survivre. Les globules blancs convergent alors vers le pôle infectieux et luttent à mort contre chaque bactérie, tandis que les globules rouges encerclent la zone menacée et apportent l’appui logistique nécessaire aux défenseurs. Et ceci se fait naturellement.
L’élimination de tout terrorisme suppose deux types de mesures : d’une part, la promotion de la justice, du travail et de la paix ; d’autre part, la destruction tout simplement des terroristes. Nous savons que de telles mesures sont rejetées par différents groupements qui pratiquent un terrorisme psychologique pour défendre les droits humains des criminels — mais jamais ceux des victimes — ainsi que la vie de ceux qui tuent. Quant aux autres, un sermon leur suffit ou d’autres choses très agréables à entendre, mais qui se sont révélées être d’inutiles volutes d’opium, et ce, depuis des lustres.
Il est l’heure de prendre conscience que nous ne sommes pas face à des martyrs en marge de la société, mais face à des machines à tuer, à des hommes et à des femmes qui, à travers leurs actes, cherchent inconsciemment la mort pour se libérer de leurs propres fantasmes et du poids de leurs haines.
(1) Celle-ci stipule, en effet, qu’on doit couper la main aux voleurs
(2) À titre d’exemple, de l’huile d’olive frelatée, coupée d’huile de voiture, avait provoqué des morts, dans les années 80
Traduit de l’espagnol par Dominique Blot
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